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Photo du rédacteurLéonard de BDA

Revue littéraire n°2: Extra Pure de Roberto Saviano, Voyage dans l’économie de la cocaïne

La coke : voilà un sujet littéraire peu commun, qui n’était pas le plus destiné à être abordé par votre cher BDA et pourtant… Et pourtant ce livre de Roberto Saviano est une véritable claque qui, loin de toute forme de poésie, s’applique à exposer méticuleusement la noirceur d’un monde dont le centre de gravité est petit-à-petit devenu cette fameuse poudre blanche.


D’origine italienne, Roberto Saviano s’est d’abord attaqué à la mafia et au crime organisé dans Gomorra (2006), son premier ouvrage. Doublement victime de son succès, il acquiert une renommée mondiale mais vit dès lors sous protection policière permanente. Son combat pour la vérité et pour dénoncer les réseaux mafieux et les narcotrafiquants trouve une suite dans Extra Pure : Voyage dans l’économie de la cocaïne. Cette fois les réseaux dépassent de loin les frontières de l’Italie et les ramifications se prolongent jusqu’au fin fond de la Colombie. Elles passent par le Mexique et par la frontière avec les Etats-Unis, arrivent en Europe à la City Londonienne par l’intermédiaire de mulets venant de Guinée-Bissau ou du Nigéria. Elles reçoivent des investissements russes, pour que l’argent soit ensuite blanchi dans tous les paradis fiscaux de la planète, du Luxembourg aux Iles Caïmans. C’est un travail de longue haleine s’appuyant sur des témoignages et des détails sordides, qui permet de faire comprendre au lecteur que la coke, celle qui est extra pure en arrivant en Europe, celle de ton dealer qui l’est beaucoup moins, est devenue l’une des composantes clés pour comprendre le fonctionnement de l’économie et de la société. C’est une marchandise dans laquelle les moins scrupuleux investissent, et dont le rendement est tel qu’il justifie tous les chantages au mieux, toutes les tortures et les assassinats au pire. Si « le pétrole est le carburant des moteurs, la coke est celui des corps ».


Roberto Saviano alterne entre des passages permettant de mieux comprendre l’ampleur du problème, et d’autres servant d’exemples. Jamais il ne cherche à ménager le lecteur, mais il l’encourage plutôt à regarder plus loin, plus profond, dans l’abîme que les hommes ont creusé pour assouvir leurs désirs de pouvoir et de richesse. Car si la cocaïne est devenue l’un des piliers du monde contemporain, c’est grâce à une offre toujours plus sophistiquée et fluide menée par des narcotrafiquants prêts à tout. Mais c’est aussi grâce à une demande intarissable de ceux qui ont besoin de se sentir exister dans un monde de plus en plus vidé de son sens.

La coke, tout le monde en prend, ou au moins quelqu’un autour de toi en prend.


La coke est sur tous les continents, dans tous les pays et peut servir à financer n’importe quel gouvernement ou représentant politique.

La coke existe sous tous les noms et porte tous les noms de code : Vitamine C, Aspirine, Charlie, Connie, Carrie, C-dust, Big C, Big flake, Snow, Nieve, Candy, …

La coke, il est impossible d’en estimer la quantité produite et vendue tous les ans, ni d’imaginer tous les moyens que les narcotrafiquants utilisent pour la transporter sous les radars.

La coke se trouve sous toutes les formes, et peut résoudre tous les problèmes, enfin pas vraiment.


Mais ce livre va encore plus loin en proposant également une réflexion sur la nature humaine, sur les liens qui unissent les narcotrafiquants entre eux et sur le danger qui pèse sur les vies fragiles de ceux qui osent s’interposer. Saviano décrit longuement le fonctionnement des organisations criminelles. Celles-ci sont marquées par des luttes intestines violentes, des rivalités de pouvoir permanentes, l’appât du gain, mais également par des règles très strictes permettant de faire fonctionner l’ensemble de l’organisation. Il n’oublie pas pour autant la vie de ceux qui sont balayés par l’économie de la cocaïne : les policiers corrompus ou éliminés, les politiciens et les juges assassinés en représailles, les indics torturés, les familles déchirées, les orphelins formés pour tuer et mourir, les chiens ayant passé de la drogue que l’on retrouve ensuite le ventre ouvert, … et puis tous ceux qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Roberto Saviano parvient avec brio à surmonter la passivité et l’effroi du lecteur découvrant les faits en l’impliquant émotionnellement et en lui proposant un voyage qui ne le laissera pas indemne.

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