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Photo du rédacteurLéonard de BDA

Exposition Marcel Proust, un roman parisien au Musée Carnavalet


S’il y a bien un avantage à être dans “la plus parisienne des parisiennes” c’est de pouvoir assouvir votre soif culturelle quotidiennement, en allant au musée ou simplement en vous promenant dans les rues de notre capitale. Parce qu’une ville porte toujours la mémoire des artistes qui l’ont habitée et ont participé à l’imaginaire qui l’accompagne. Paris permet un voyage dans les univers uniques de chaque artiste et auteur qui y a vécu. C'est pourquoi le musée de l’histoire de Paris célèbre le 150ème anniversaire de Marcel Proust en revenant sur la vie parisienne d’un des auteurs français les plus emblématiques de la littérature française.


L’exposition se lit et se visite, puisque, constituée de deux parties, elle permet de retracer aussi bien le Paris réel de la vie de Proust que celui créé des personnages de La Recherche. C’est l’occasion de mieux connaître cet auteur et son oeuvre pour les moins initiés et d’approfondir la connaissance biographique de ce dernier pour les connaisseurs. En effet, né et mort dans cette ville, le rentier qui fréquentait la haute société parisienne a grandi entre le Parc Monceau, Auteuil, l’Etoile et le Bois de Boulogne. Des premiers textes écrits au Lycée Condorcet à l’entrée dans les milieux artistiques et mondains, Anne Laure Sol, commissaire d’exposition, interroge la place de la ville lumière dans l’oeuvre et la vie de l’écrivain.


Avec quelque 280 œuvres, des manuscrits aux vêtements ou photographies de l’auteur en passant par des objets qui relèvent presque de la relique telle sa canne, son encrier etc, l’écrivain est approché différemment. Une telle exposition pourrait être vue comme un contresens pour un auteur qui lutte contre le biographisme notamment dans son fameux Contre Sainte Beuve où il insiste sur l’idée que le moi de l’écrivain ne se montre que dans ses livres. Mais ici, il s’agit davantage d’un parcours mettant en lumière le vrai “moi” de Marcel Proust, celui qui transparaît dans son œuvre, que d’une recherche biographique. Paris est donc pris particulièrement de manière fictionnelle, à travers ce que raconte Proust ou bien son autre soi, le narrateur.


L’exposition traite presque de Paris comme ce protagoniste dont le nom revient plus de 500 fois dans La Recherche.


De nombreux extraits d’archives sonores et visuels, et d’adaptations offrent une expérience presque immersive. L’immersion dans l’univers de Marcel Proust se fait par des reconstitutions, des photos mais aussi des témoignages de ses contemporains après leur lecture de Du Côté de Chez Swann, dont un le compare même à un Flaubert contemporain.


Marcel Proust commença en tant que chroniqueur, habitué donc aux soirées mondaines de la haute société et aux artistes de son temps comme Jean Cocteau, André Breton, Alphonse Daudet… Les documents exposés permettent de se replonger dans cette belle époque parisienne de la fin du Second Empire aux bombardements de la première guerre mondiale qu’il vécut réfugié au Ritz.


L'exposition


Des photos de jeune fille en fleurs, ou de celui qui inspira le personnage de Saint-Loup pas encore transformés par l’écriture et la mémoire de l’écrivain peuvent être observées. Mais en dévoilant les inspirations de l'auteur, l'exposition clarifie les sous-entendus de l'oeuvre avec l'aspect transgressif de la vie de Marcel Proust. Une photographie de Bertrand de Fénelon, un des grands amours de Proust expose un Paris où l’homosexualité venait à peine d'être dépénalisée. En effet, La Recherche malgré ses descriptions de l’amour d’ Albertine ou Gilberte est considéré comme un “roman impudique” parce qu’il est rédigé par un homosexuel et y fait plusieurs allusions.

La photo de l’urinoir du bas des jardins des Champs-Elysées expose aussi aux connaisseurs ce lieu important de l’imaginaire proustien et de la vie homosexuelle de l’époque. Mais l’image déçoit face aux descriptions presque érotiques qui peuvent en être faites. C’est surement pour cela qu'il vaut mieux selon Proust conserver la perception de l'auteur sans percer le secret de la réalité telle qu’elle était.

L'homosexualité reste souvent condamnée pour atteinte à la pudeur et l'exposition l'illustre avec un rapport de la brigade des moeurs exposant la présence de Marc Proust, 46 ans, dans un "refuge à homosexuels où l’on consomme après les heures réglementaires" et d'autres documents dévoilant les réalités de l'époque qu'il vous revient de découvrir.


Enfin, l'exposition permet de tout savoir sur Proust à travers son rapport à Paris. "J'avais toujours à portée de main un plan de Paris." écrit-il dans Du côté de chez Swann. Il résume ainsi son rapport à cette ville dont il fréquenta les musées, la galeries, les restaurants, les salons et même les maisons closes.

Le parcours de Marcel Proust dans la capitale est aussi un moyen de retracer l’histoire des familles aristocratiques parisiennes qui se déplacent du Faubourg Saint Germain vers l’Ouest, dans les quartiers alors modernes pour se construire des hôtels particuliers. La famille Proust, quittant Auteuil pour la rive droite ne fait pas exception.


La scénographie de l’exposition est très dense, presqu’à la manière d’un cabinet de curiosité avec un dédale de petites salles qui permettent de plonger dans l’intimité de Marcel Proust notamment à travers la reconstitution de sa chambre. C’est l’occasion de découvrir des détails inédits de la vie de Proust, mais aussi des modifications de son oeuvre avec des notes montrant les changements de noms de lieux et de personnages. L’onomastique -étude des noms propres- est une partie très importante de son oeuvre, avec des parties comme “nom de pays, le pays” dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs qui interroge les noms des villes normandes. Ici, les modifications sur papier sont une manière de voir le travail de l’auteur se faire presque sous nos yeux.

L'importance des lieux se voit avec les jardins des Champs-Elysées qui sont un lieu clé de l’adolescence de Marcel Proust, puisqu'il y rencontre Marie de Benardaky, dont il tombe amoureux et s’inspire pour le personnage de Gilberte dont le narrateur s’éprend dans la recherche. Le connaisseur peut même chercher le visage de celle-ci dans les photos d’enfance au début de l’exposition.

On retrouve des planches rarement exposées et que Proust affectionnait. Proust commente ces planches : « le manuscrit […] malgré mon affreuse écriture […] est ravissant et a l’air d’un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini ». Les placards sont des pièces phares de l’exposition et permettent la compréhension du roman car ils comportent des manuscrits de parties du roman si uniques qu’aucune bibliothèque n’en a la version manuscrite. Ils sont inédits et exploitent le dernier manuscrit envoyé à son éditeur en 1917, celui de la “deuxième partie” du roman, ainsi qu’il appelait celle autour des jeunes filles.

On retrouve aussi des écrits comme ceux du concierge de Marcel Proust à qui ce dernier avait demandé d’écrire les bruits de la capitale pour pouvoir utiliser ces ragots dans La Prisonnière où le narrateur et son amante écoutent les cris des gens dans la rue. Il y a même de quoi dater le récit grâce à des études de monument de Paris, par exemple le fait qu’Odette, l’un des personnages principaux du premier tome, se rend au Palais de l’Industrie qui sera détruit en 1886 au profit du Grand Palais.

Enfin, pour les plus géographes d'entre vous, l'exposition est une succession de toutes sortes de cartes de la capitale. Par exemple, une carte indique les adresses des personnages souvent proches de celle de Proust et recréent l’univers du récit avec des tableaux notamment d’artistes connus et appréciés de Proust.

Tout est donc bien fait pour donner envie de se (re)plonger dans son œuvre, en savourant une des madeleines en vente à la sortie pour mieux connaître cet auteur qui forgea Paris autant qu'elle le forgea.

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